Jacqueline Bourque & Sonya Malaborza
Exilda
Par chez nous, les pêcheurs sortent avant l’aube poser leurs casiers sur les fonds. Tes casiers à toi sont rentrés depuis une semaine. Dans la nuit, ils sont tous passés au feu, de même que tes filets. Tout cet équipement fait de tes mains, des heures d’ouvrage à reprendre. Au téléphone, tu me parles de ta grand-mère Exilda, dont les contes si nombreux auraient pu faire d’elle une autre Antonine Maillet. Exilda, qui savait à peine lire et écrire et qui pourtant composait comme personne. Le soir, après l’école, ton père t’apprenait à manier l’aiguille comme sa mère avant lui, qui ravaudait les filets en tissant ses histoires au coin du feu. Je me demande si tu penseras à Exilda quand tu travailleras ton fil de nylon cet hiver. Ton grand-père pêchait à Loggiecroft. L’été, sa famille vivait sur la dune dans une cabane, pêchait des coques et des palourdes. Tu me racontes tout ça comme on déballe un cadeau. Exilda s’est décidée à 70 ans qu’elle apprendrait à nager, faisait ses longueurs à la piscine à côté de l’école. Toi, tu pêches au large de Cap-Lumière, parmi les courants qui charrient des débris et qui coulent sur des centaines d’épaves. La voix d’Exilda, gravée sur des bobines, repose au sous-sol de l’université. Il suffirait d’appuyer sur un bouton pour la libérer.
— Sonya Malaborza
Exilda
Where I come from, fishers set out before dawn with their traps to get to the fishing grounds early. You brought your own traps in last week. They went up in flames the other night, along with your nets. All that handwork up in smoke. You tell me over the phone about your grandmother Exilda, whose abundance of stories could have made her as famous as Antonine Maillet. Exilda could hardly read or write, yet she wove a story like no one’s business. On school nights, your father would teach you to work the needle like his mother before him, who mended nets as she wove her stories by the fire. I wonder if you’ll be thinking of Exilda while you work your nylon thread this winter. Your grandfather used to fish off Loggiecroft Wharf. In the summer, his family moved to a cabin on the dunes to dig scallops and clams. It’s like you’re unwrapping a gift as you tell me this. Exilda made up her mind at 70 that she’d learn to swim, and so she did laps in the pool by our school. These days, you fish off the wharf in Cap-Lumière, among the currents that carry debris and run over hundreds of shipwrecks. Exilda’s voice is carved onto reels that sit in the university’s basement. A push of a button is all it would take to release it.
— Sonya Malaborza
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Jacqueline Bourque
Sonya Malaborza
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Date:
February 8, 2022